Parce que c’est elle.

22 juin 2012 § Poster un commentaire

Trois secondes.
Le monde s’arrête, lui aussi attend, me laisse la possibilité de goûter chaque poussière de temps.
Tout est flou autour de moi. Les gens bougent, parlent, je ne vois rien, je n’entends rien.
Trois secondes.
Elle passe sa main au-dessus de moi pour saisir quelque chose sur la table.
Je ne sais pas vraiment. Pris quoi ? Aucune idée.
Mon esprit est bloqué. Tétanisé. Il rêve, il sent son autre main sur mon épaule, il me souffle de ne pas bouger, de ne pas tressaillir, de ne surtout pas laisser deviner mon émotion, de ne pas me tourner, parce qu’il sait que c’est elle. Mes yeux ne la voient pas, mon corps la devine, sent presque son souffle dans mon cou.
Je profite, je jouis de cet instant qui semblerait si futile et banal aux autres, et qui me plonge dans un miracle éphémère ; seul le souvenir de cette sensation perdure et continue de me troubler.
Trois secondes.
Sa main sur mon épaule. Elle me touche, je suis son appui, elle est mon échappatoire, ma rêverie, finalement la raison qui fait que je suis là ce soir, au milieu des autres que j’oublie pendant trois secondes. Sa main m’apaise, elle ne le sait pas, je le découvre, ça me plait, ça m’ennuie, je veux de nouveau cette main, jamais je ne l’aurais.
Elle est ma folie qui devient raisonnable pendant ces instants.
Pendant des heures, je l’ai regardée, naviguer d’une table à l’autre, d’un convive à l’autre ; sa prestance éblouit la soirée, les hommes sont sensibles à cette silhouette élancée et sportive, à cette chevelure flottant sur les regards de ceux qui voudraient. Vouloir ce que vous voulez est en-deçà de mes envies. Elle bouscule mes neurones, joue avec mes nerfs sans le savoir ; je la vois souvent, on se frôle, on se parle, on s’ignore. Ce soir, sa main est sur mon épaule. Trois secondes.
J’existe à travers l’émotion.
Rien d’autre. Rien qu’une main sur mon épaule.
Ne pas oublier, vivre ce moment, sans doute unique, se souvenir de la sensation.
Une soirée à attendre, quelque chose, sans savoir quoi, tout en sachant que cela ne pouvait pas être ce que j’attendais.
Et c’est arrivé, simplement, naturellement.
Sait-elle seulement quelle est la portée de ce geste ?
Non.
J’existe parce qu’elle me parle, je disparais quand elle m’ignore, et je renais quand elle me sourit.
Vous la verriez sur votre route, vous vous retourneriez. Sans nul doute.
Je ne me suis pas retourné, douce certitude de sa présence sans voir son visage. Sa main seule me parlait.
Je veux d’autres mains sur mon épaule, je voudrais mes mains sur son visage ; je voudrais répondre aux questions qui m’assaillent : en suis-je capable ? Pourrait-elle un jour cesser de voir pour me regarder ? Voit-elle mon trouble ?
De longs mois à attendre cette émotion ; des femmes, croisées, mais ne suscitant rien ; et elle est arrivée, comme ça, comme toujours, c’est toujours comme ça.
Je me vois minuscule, elle est et je pourrais être, si elle voulait être avec moi. Je ne suis juste que ce que je suis, est-ce suffisant ?
Trois secondes.
Elle a sans doute déjà oublié. Pas moi.

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